Le Parlement a adopté l’autorisation de cours séparés pour garçons et filles.

Publié le par la gauche alternative dans l'Oise

Education

 

La mixité à l’école écornée en douce

Auteur : VÉRONIQUE SOULÉ

Publié par : LIBERATION QUOTIDIEN

Le : jeudi 22 mai 2008

 

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La mixité scolaire vient d’essuyer un mauvais coup. Sans crier gare, le

gouvernement a fait inscrire dans la loi l’autorisation d’avoir des

enseignements séparés filles et garçons à l’école. Ce qui n’était

jusqu’ici qu’une simple possibilité - pendant les cours de sports

notamment - prend ainsi valeur légale, ce qui suscite de sérieuses

craintes sur un retour en arrière.

 

Officiellement, assure-t-on pourtant, rien ne change. Adoptée le 15 mai

par le Parlement, la loi en question - sur la lutte contre les

discriminations -, permet, dans l’alinéa 4 de l’article 2,

l’«organisation d’enseignements par regroupement des élèves en fonction

de leur sexe». Mais il ne faut y voir aucun encouragement, souligne-t-on

dans l’entourage du ministre de l’Education, Xavier Darcos : «Sans cet

alinéa, la loi, qui est la transposition de directives européennes,

aurait donné la possibilité à certains de contester les cas de

non-mixité qui existent dans l’enseignement. Certaines écoles privées

auraient pu être mises en difficulté. Nous avons simplement voulu

préserver le statu quo.»

 

Piscine.

Pour les opposants à cet alinéa, le gouvernement a bien ouvert

«une boîte de Pandore» qui risque à terme de remettre en cause la mixité

et même la laïcité du système français. «On peut attendre des demandes

pour des séances séparées de piscine - notamment de communautés

religieuses intégristes ; certains peuvent aussi réclamer des cours de

maths séparés car les garçons sont déconcentrés par les filles,

s’insurge la sénatrice communiste Annie David. Et pourquoi pas revenir

au cours de couture pour les filles et de mécanique pour les garçons ?»

 

La mixité scolaire a été instaurée à partir des années 60 dans le

primaire puis dans le secondaire. Aujourd’hui elle concerne plus de 90 %

des établissements. Elle est régie par le code de l’éducation selon

lequel les écoles «doivent contribuer à la favoriser». Mais elle n’est

pas un principe absolu ni une obligation, et souffre d’exceptions.

Quelques écoles privées, notamment des internats - scolarisant guère

plus de 10 000 élèves - n’accueillent que des filles ou que des garçons.

L’enseignement public est mixte, excepté les maisons d’éducation de la

Légion d’honneur, internats de filles au statut particulier.

 

Les professeurs peuvent toutefois décider de faire des groupes

distincts, en éducation physique et sportive (EPS) et parfois pour les

cours d’éducation sexuelle lorsque l’ambiance dégénère dans la classe.

«Tout se passait bien, pourquoi dès lors imposer cet alinéa ?»

s’interroge Annie David. Pour les élus socialistes et communistes, il

était nul besoin de l’introduire à moins de poursuivre un but non avoué.

Les directives européennes ne parlaient en effet nulle part d’éducation.

 

Toutes les hypothèses sont dès lors échafaudées. Le gouvernement est

notamment soupçonné d’avoir voulu faire une fleur aux écoles catholiques

les plus réactionnaires, dans la droite ligne du discours de Latran de

Nicolas Sarkozy estimant que l’instituteur n’arriverait jamais au niveau

du curé pour inculquer des valeurs aux enfants. Défendant le texte, la

secrétaire d’Etat à la Famille Nadine Morano a, elle, affirmé qu’il

fallait protéger des établissements comme la Légion d’honneur.

 

Loin des bruyantes réformes prisées par le gouvernement, l’histoire de

cet alinéa ressemble à un coup en douce. Perdu à la fin d’un article, il

est d’abord passé quasi inaperçu. Présentée en «urgence déclarée», la

loi n’a eu droit qu’à une seule lecture dans chacune des chambres. C’est

au Sénat que les débats ont été les plus vifs. La commission des

affaires sociales, présidée par l’UDF Nicolas About, a même adopté à

l’unanimité un amendement demandant la suppression de l’alinéa. La

rapporteuse, l’UDF Muguette Dini, y était aussi hostile. Durant le vote

le 9 avril, elle s’est toutefois prudemment abstenue alors que Nicolas

About faisait volte-face. Comme si le gouvernement avait usé de tout son

poids pour faire passer son alinéa.

 

Dès le 14 avril, la FCPE, première fédération de parents d’élèves,

classée à gauche, a dénoncé la loi qui permet «aux particularismes

religieux d’organiser la séparation des filles et des garçons pour tel

ou tel enseignement» et qui va à l’encontre de «l’éducation à

l’égalité». Les syndicats enseignants, si chatouilleux sur la laïcité,

sont restés étrangement silencieux. «On avait un peu la tête ailleurs,

reconnaît Thierry Cadart, secrétaire général du Sgen-CFDT, il peut être

utile pédagogiquement, à un moment donné, de faire des groupes séparés.

Mais ce texte ouvre des possibilités et le contexte est inquiétant. Une

chose est sûre : on s’opposera à toute remise en cause de la mixité.»

«Sur le principe, ça nous pose problème, explique Luc Bérille du

syndicat SE-Unsa, nous allons attendre les décrets d’application qui

parfois tempèrent les choses.»

 

Sirènes.

Beaucoup s’interrogent : quelle mouche a donc piqué le ministre

Xavier Darcos ? S’il a cédé aux sirènes conservatrices dans sa réforme

des programmes du primaire, il a toujours manifesté sa volonté de

combattre le sexisme à l’école et a pris des mesures. «Il est impossible

que des individus se saisissent de la loi pour imposer des classes non

mixtes, affirme-t-on au ministère, car seule l’institution peut décider

d’un enseignement séparé.» «C’est vrai, réplique la sénatrice communiste

Annie David, mais on a déjà vu des institutions céder sous la pression.»

Publié dans lu dans la presse

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