Le Café citoyen de Lille fait des émules dans toute la France

Publié le par la gauche alternative dans l'Oise

27-05-2008
Le Monde


Lille, correspondance



Au bout de la rue de Béthune, l'artère piétonne la plus fréquentée de
Lille, la place du Vieux-Marché- aux-Chevaux est un peu à l'écart. Mais le
Café citoyen, une coopérative qui propose des animations associatives et
vend des produits bio, locaux, artisanaux ou issus du commerce équitable,
bénéficie d'une terrasse ensoleillée.
Laurent Courouble a ouvert le café en septembre 2005, avec Florian Stopin.
Il travaillait dans une association, la Maison de la nature et de
l'environnement (MNE), mais souhaitait franchir un nouveau cap. "Nous
rêvions d'un lieu convivial, autonome financièrement et exemplaire, raconte
Laurent Courouble. Nous nous approvisionnons directement chez les
producteurs, sans passer par des intermédiaires. Par effet de bord, le
client découvre qu'on peut boire bio sans payer un prix excessif." La
clientèle est large, "du bébé au pépé, du prolo au bobo. Et le café fait
SOS point vélo : on préfère que les clients circulent à deux-roues."
Laurent Courouble, 28 ans, a suivi des études de management et
environnement. "En réalité, dit-il, j'ai appris à gérer à la MNE, quand j'y
ai fait, en tant qu'objecteur de conscience, mon temps de service
militaire." Les deux fondateurs du Café citoyen souhaitaient s'inscrire
dans le champ de l'économie sociale et solidaire afin de "vivre dans
l'économie de marché mais avec une éthique", expliquent-ils.
Le choix de la société coopérative ouvrière de production (SCOP)
s'imposait. Trois Clubs d'investisseurs pour une gestion alternative et
locale de l'épargne (Cigale) ont été parmi les premiers financeurs. Ces
fonds ont été complétés par des personnes qui ont acquis des titres
participatifs, sans droit de vote. "Dans une SCOP, les salariés sont les
patrons", précise Laurent Courouble. Au total, les trois Cigale et les
investisseurs individuels (70 personnes) ont apporté 20 000 euros. "Les
deux plus gros investisseurs ont mis 5 000 et 1 000 euros, mais nous avons
aussi un RMiste qui a donné 100 euros et suit notre activité avec
attention", détaille le jeune homme.
Pas question pour les deux associés de se tourner vers des banques
classiques pour monter l'opération. "Nous avons préféré nous tourner vers
la Nef, la société coopérative des finances solidaires, un organisme
financier qui veut devenir la première banque éthique en France",
expliquent-ils. Le café a souscrit un deuxième emprunt auprès de la caisse
solidaire Nord-Pas-de-Calais. "Mais ce qui reste fondamental, c'est
l'accompagnement. Certes, les taux de crédit sont peut-être supérieurs à
ceux des grands établissements, mais nous avons bénéficié d'un suivi de
qualité." L'union régionale des SCOP est en tout cas très attentive aux
créations d'entreprise. Pour Laurent Courouble, "c'est aussi un moyen de
peser sur le gouvernement en incitant les salariés à reprendre des
entreprises en difficulté, avant de penser à une délocalisation".
Le Café citoyen vient d'être agréé Entreprise solidaire par la préfecture.
"Nous sommes trop petits pour bénéficier de fonds, précise Laurent
Courouble. Cet agrément est symbolique, mais plus il y en aura, plus l'Etat
voudra améliorer la législation : 1 800 SCOP en France, cela n'est pas
suffisant pour un lobbying efficace."
Florian Stopin, formé lui aussi à l'environnement, vient de quitter le
café, remplacé par Ingrid Elias, une Salvadorienne installée à Lille depuis
dix ans. "Elle est comédienne et a travaillé dans le social. En Amérique du
Sud, où l'Etat n'aide pas, il y a beaucoup de coopératives. Ingrid était
donc au parfum !", souligne Laurent Courouble. Les deux salariés
travaillent 39 heures pour un smic, sans compter les heures que Laurent
consacre à la gestion, à l'accueil des animations et à la gestion du site
Internet.
Le Café citoyen est propriétaire de son fonds de commerce. Mais Laurent
convient que l'aventure est difficile. "Nous n'avons pas choisi la
facilité. Nous gardons des prix accessibles, or l'achat de produits bio est
compliqué. Au moins, si le gouvernement respectait le Grenelle de
l'environnement ! Quand je pense qu'un agriculteur bio touche 40 % de
subventions en moins qu'un pollueur..."
Pourtant, le café lillois fait des émules. "Nous n'avons pas inventé le
concept, reconnaît Laurent Courouble. Outre L'Ecume des jours à Beauvais,
un précurseur, il y a désormais De l'autre côté du pont, à Lyon, ou Le
Samovar, à Bordeaux." Un autre vient d'ouvrir à Paris. Laurent a reçu une
trentaine de porteurs de projets identiques : "Nous montrons nos bilans
sans problème... Plus le marché montera, plus les prix baisseront."



Geoffroy Deffrennes

Publié dans lu dans la presse

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