Nicolas Hulot devient antilibéral...

Publié le par la gauche alternative dans l'Oise


Vive l'écologie solidaire.


Samedi 29 Mars 2008
Hulot: "C'en est fini du libéralisme"

Propos recueillis par Soazig QUEMENER, à Dinard (Ille-et-Vilaine)
Le Journal du Dimanche

Nicolas Hulot a reçu le JDD dans son refuge breton de Dinard (Ille-et-Vilaine) et il appelle à une remise en cause radicale de notre modèle de développement. Il élargit pour la première fois sa réflexion aux domaines économiques et sociaux. Il se dit séduit aujourd'hui par... Daniel Cohn-Bendit et Olivier Besancenot! Extraits de son interview.


Jeudi, vous avez cosigné un appel dans Le Monde demandant de mettre en oeuvre en France la révolution écologique annoncée fin octobre...
Pour moi, c'est autant un appel d'espoir que d'inquiétude. Un appel à la responsabilité des députés pour éviter qu'ils ne tirent le Grenelle vers le bas. C'est aussi un encouragement à Jean-Louis Borloo et Nathalie Kosciusko-Morizet dont on sait bien que le travail est très difficile.

Il n'empêche que le déficit public menace les réformes promises par Nicolas Sarkozy. Pensez-vous que le Grenelle sera épargné par la rigueur?
Honnêtement, à ce stade-là, on n'en sait rien. Cela montre en tout cas qu'en France comme ailleurs, on est dans une économie virtuelle. A mon avis, c'est le grand défi du 21e siècle: une meilleure utilisation de la finance... En même temps, le Grenelle, ce n'est pas l'alpha et l'oméga de la révolution écologique. Juste un joli et nécessaire rattrapage pour que la France puisse être audible au moment ou elle va prendre la présidence de l'Union europeenne et doit être prête à amener ses partenaires sur le terrain des réformes.

Qu'attendez vous de la loi-cadre sur l'environnement qui doit être présentée avant l'été?
On travaille vraiment énormément dans toutes les commissions et je ne doute pas du contenu de la loi, mais j'attends de voir comment nos députés et nos sénateurs vont la recevoir. L'expérience nous a appris à être prudents sur ces sujets là. Beaucoup de députés ont signé le pacte écologique pour les législatives, mais quand nous les avons conviés pour une réunion d'information ils n'étaient plus que deux!


"Il y a à l'échelle planétaire un apartheid qui ne dit pas son nom"


Dans le monde comme en France, l'écologie parvient désormais à mobiliser. Mais pas encore durablement...
Il y a beaucoup de croyants et peu de pratiquants. Je n'ai pas de recette magique. Les gens sont à juste titre accaparés par leurs problèmes quotidiens, d'où la nécessité que les acteurs politiques aient une vraie vision des choses et soient sans concession. C'est pour cela que j'attends beaucoup de l'Europe. Elle doit jeter des actes politiques forts, en terme de fiscalité notamment. Il faut absolument mettre en place cette écluse fiscale aux frontières, la taxe de Cambridge qui concerne les produits importés de pays qui n'ont pas ratifié le protocole de Kyoto sur la réduction des gaz à effet de serre, qui permettra d'éviter les délocalisations.

Comment penser l'écologie dans ce contexte?
Il ne faut plus dissocier les mots écologie, social et humanitaire. Tout cela est en train de se combiner. On a tous l'obligation de répartir la richesse. Pour cela, il faut trouver des mécanismes innovants. Je ne suis pas convaincu par exemple qu'il faille abandonner l'idée de la taxe Tobin (fiscalité qui s'applique aux transactions monétaires internationales). Les détenteurs actuels de richesse se sentiraient à peine moins riches mais les exclus du festin se sentiraient beaucoup moins pauvres. On ne peut pas admettre que 70% de la production de richesses dans le monde ne profite qu'à 20 à 30% de la planète. Ce n'est même plus un problème moral. Tout simplement, ça ne passera pas. Imaginez: la moitié de l'humanité vit avec deux dollars par jour, ce que reçoit comme subvention une vache européenne. Il y a à l'échelle planétaire un apartheid qui ne dit pas son nom. Cela pouvait marcher tant que cela ne se voyait pas. Maintenant, avec les nouveaux moyens de communication, vous ajoutez à la misère un élément explosif qui est l'humiliation. La construction de l'Europe se doit de prendre cela en compte. Nous sommes condamnés à ce que les Etats interviennent. C'en est fini du libéralisme.

De qui vous sentez-vous proche aujourd'hui?
Pardon de le dire mais je suis plus séduit quand je discute avec un Cohn-Bendit ou avec un Besancenot. Si ces gens là pouvaient s'affranchir complètement de leur carcan idéologique, ils seraient vraisemblablement plus porteurs de nouveauté et de réalisme que les autres.

C'est quand même un sacré virage chez vous.
Non, c'est une évolution.

Publié dans lu dans la presse

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